Le rôle du metteur en scène peut-il être plus important que celui de l'auteur ? 20.00 / 20

Le document proposé ici traite du rôle du metteur en scène et de l'auteur. Grâce à cette fiche de révision élaboré par des professeurs, vous pourrez réviser efficacement les différentes notions essentielles de cette partie, de plus, son contenu synthétique et clair vous permettra de mémoriser l'ensemble du cours.
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Au théâtre, le rôle du metteur en scène peut-il être plus important que celui de l'auteur ?

 

Le théâtre semble se situer au croisement des deux démiurges que sont l'auteur et le metteur en scène, permettant ainsi une articulation de leur génie. Il est pourtant difficile d’établir des frontières stables entre l’activité d’écriture et la mise en scène.

 

Pourtant, un auteur comme Giraudoux en vient à affirmer que « L’essentiel du théâtre n’est pas l’auteur mais le théâtre », et le médiateur central entre l’auteur et le lieu reste bel et bien le metteur en scène. Car le théâtre est avant tout un spectacle, une sorte de spatialisation d’un texte écrit.

 

Dans cette perspective, le rôle du metteur en scène prévaut-il sur le texte lui-même ? Faut-il nécessairement établir une hiérarchie dans un art vivant comme le théâtre ? Loin de l’œuvre produite dans l’isolement d’un cabinet, le théâtre implique une somme impressionnante d’artistes : auteur, metteur en scène, mais aussi comédiens, machinistes, etc.

 

Pour traiter le sujet nous montrerons dans une première partie comme l’œuvre écrite est au fondement du théâtre. Dans une seconde partie nous dégagerons néanmoins l’importance du metteur en scène comme maître d’une interprétation du texte, vivante et vivifiante, tant pour le spectateur que pour le texte lui-même. Nous approfondirons, par là, la nécessaire continuité qui lie la composition du texte et son interprétation.

 

I. L’œuvre écrite comme fondement du théâtre

 

L’auteur du texte théâtral est nécessairement pris dans les contraintes du genre. En effet, c’est un texte qui n’est pas destiné à être lu mais à être joué. L’écriture du texte théâtral est ainsi animée par une vision de l’œuvre dans sa forme réalisée – le spectacle - : et les nombreuses didascalies sont là pour exprimer la vision de l’auteur quant à cette réalisation. Jusqu’à la seconde moitié du XIXe siècle, l’auteur est aussi le metteur en scène, l’un des exemples les plus éclatants reste Molière qui incarnait l’homme de théâtre complet : auteur, acteur, et au besoin, régisseur. Les trois extraits du sujet appartiennent tous au XXe : L’Amphitryon 38 de Giraudoux (1929), Le célèbre Rhinocéros de Ionesco (1959) et enfin Le Cas Jekyll de Montalbetti (2007) réécriture théâtrale d’une nouvelle du début du siècle.

 

Aussi, l’écriture théâtrale est un genre auquel s’exercent nombre d’auteurs. Il est l’une des composantes de l’œuvre et sa puissance, malgré la visée de la voir produite, se situe en amont, dans un travail du texte.

 

Ainsi l’Amphitryon 38 est une pièce d’une rare intensité, donnant à voir des dieux qui se soutiennent mutuellement, où la confusion entre l’humain et son dépassement est toujours présente. La compassion divine s’exprime dans cette réplique de Jupiter : «j’espère que mes pauvres hommes ne souffrent pas cela » à laquelle Mercure répond Mercure : « Le jour de leur naissance et le jour de leur mort ». Cette scène où tout s’inverse, où l’on voit des dieux chercher à être homme révèle non seulement une humanité dans le divin, mais du divin de cette humanité qui doute. Une divinité comme Jupiter, dieu de la foudre, s’abaisse à l’humanité pour vivre son amour : « l’heure humaine bat en moi à me meurtrir (…) et pour m’habituer je me répète : je vais mourir, je vais mourir… ».

 

À Mercure d’interroger Jupiter pour s’assurer qu’il est bien devenu homme : « Avez-vous l’idée que vous seul existez, que vous n’êtes sûr que de votre propre existence ? » nous ramenant ainsi à cette question métaphysique centrale, ce joyau et à la fois cette pesanteur qu’est la conscience et qui fait notre propre condition.

 

Mais le Jupiter de Giraudoux répond en complétant : « Oui, c’est même très curieux d’être ainsi emprisonné en soi-même ». Ce texte magnifique montre que ce n’est pas les dieux qui se rabaissent aux hommes qui composent l’humanité, l’humanité prométhéenne fait de nous des hommes qui se sentent maîtres des dieux, le vrai dieu est l’homme émancipé. Cette profondeur, cette richesse est bien celle de l’auteur, celle qu’il laisse et qu’il transmet au metteur en scène.

 

De la même façon Rhinocéros est une œuvre phare qui aborde dans un style théâtral radicalement renouvelé la façon dont la barbarie se propage. La scène donne à voir l’amitié antithétique qui lie Jean et Bérenger. Nous voyons la métamorphose animale de Jean : « Chaud… Trop chaud. Démolir tout cela, vêtements, ça gratte, vêtements, ça gratte ». Puis il retire son pantalon, lui qui était si pudique : « Que faites-vous ? » interroge Bérenger : « Je ne vous reconnais plus ! Vous, si pudique d’habitude ! ». Bérenger ne reconnaît plus Jean, ce même personnage si ponctuel, si sobre dans la première scène de l’Acte I. Mais ce texte théâtral témoigne peut-être bien mieux qu’un essai de la force de séduction de la barbarie, du totalitarisme, ce que Walter Benjamin appelait l’esthétisation du politique ; la beauté de l’horreur en somme, sa force captivante : « Ce sont eux qui sont beaux. J’ai eu tort ! Oh ! Comme je voudrais être comme eux. Je n’ai pas de corne hélas ! Que c’est laid, un front plat ». C’est un texte qui illustre le renversement des valeurs dans les idéologies totalitaires, quand l’homme aspire à « avoir la peau dure et cette magnifique couleur d’un vert sombre, une nudité décente, sans poils, comme la leur ».

 

Ce texte met en exergue le doute de celui qui résiste, son impuissance face à ses congénères qui basculent, qui deviennent l’un après l’autre des bêtes qui barrissent. C’est l’une des forces principales du texte que seul le génie de l’auteur pouvait produire. La pièce se termine sur un long monologue qui donne à voir la perte de repères collectifs qui peut naître chez celui qui se refuse à céder à la barbarie, la dilution même du langage quand tous les hommes avec lesquels on pouvait encore discuter ont sombré dans le barrissement, lorsque la langue n’est plus que la pensée vocalisée de celui qui finalement hurle : « Contre tout le monde, je me défendrai ! Je suis le dernier homme, je le resterai jusqu’au bout ! Je ne capitule pas ! ». Seul le texte de l’auteur peut atteindre cette puissance, puissance qui nous laisse tout de même dans un désir profond de voir la pièce jouée.

 

II. La mise en scène : une interprétation vivante

 

Pourtant la beauté d’un texte théâtral cherche une mise en scène à sa hauteur. C’est ici que le rôle du metteur en scène est primordial, c’est lui qui définit un ensemble de choix esthétiques et techniques qui vont spatialiser l’œuvre écrite. C’est lui, en somme, qui oriente la scénographie : le jeu des comédiens, les décors, les costumes, la musique, les lumières. Cette préoccupation pour la mise en scène prend forme à travers les figures des grands metteurs en scène comme André Antoine, fondateur du théâtre du même nom, qui va introduire pour sa part un souci de réalisme et une certaine vérité dans le jeu de l’acteur. L’ami de Giraudoux Louis Jouet poursuivra dans son travail une continuelle recherche de la vérité du théâtre et du jeu.

 

C’est que la mise en scène relève de choix, et ce choix ne repose pas nécessairement sur le donné mais sur les valeurs qui animent le démiurge qu’est le metteur en scène. La mise en scène est ainsi une connexion entre une œuvre écrite, un public et un monde toujours contemporain à la présentation de l’œuvre. C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre le Tartuffe de Mnouchkine en intégriste musulman dans un décor tiré du Maghreb. La mise en scène est le cadre d’un rapprochement de l’œuvre et du monde par une sorte de recollement du texte à nos questions contemporaines. En ce sens, le metteur en scène donne toujours une interprétation, un sens renouvelé à la pièce. De la même façon, nous voyons que la carrière d’un metteur en scène peut être traversée par une œuvre presque obsessionnelle. C’est le cas de la relation de Peter

 

Brook à Hamlet de Shakespeare. En 2000, dans sa mise en scène audacieuse et marquante, il ose l’impensable, un Hamlet et une cour noirs. Là où les rôles sont rares pour les personnages de couleur dans le théâtre classique, Brook réalise une universalisation sans égale d’un classique du théâtre, donnant ainsi à voir le génie, l’imagination et la force de création du metteur en scène.

 

Conclusion

 

Le théâtre est ainsi composé d’une sorte de mouvement perpétuel qui lie le texte à la mise en scène, la composition à l’interprétation. L’on peut aisément s’accorder sur le fait que la médiocrité d’un texte ne pourrait être sauvée par une mise en scène tout comme une mise en scène sans valeur peut défigurer un texte éclatant. Cette émergence de l’interprète se retrouve également dans la musique classique et contemporaine qui a, depuis le milieu du XIXe, demandé la présence du chef d’orchestre : c’est bien plus qu’une battue de mesure qu’il offre, c’est une vision, une force qui était latente dans la partition, mais qu’il fallait déployer.

 

On comprendra qu’un texte théâtral sans mise en scène est coupé de son essence de la même façon qu’une mise en scène sans texte ne peut être qu’un genre délimité ou expérimental. Deux exemples, d’abord Le spectacle dans un fauteuil d’Alfred de Musset et ensuite le mime, ou le théâtre d’improvisation. Le théâtre est une création qui appelle à une double démiurgie, celle de l’auteur et celle du metteur en scène, elle y trouve sa vitalité, sa force et aussi son continuel renouvellement. Le texte est ainsi toujours « embryonnaire », il est une masse de potentialités qui demande le génie du metteur en scène pour se développer.
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5 commentaires


Anonyme
Anonyme
Posté le 23 févr. 2016

:)

Anonyme
Anonyme
Posté le 23 févr. 2016

super dissertation ! bravoo

Anonyme
Anonyme
Posté le 15 avr. 2015

très bonne dissertation

Anonyme
Anonyme
Posté le 8 mars 2015

bravo, une bonne construction sujet

Anonyme
Anonyme
Posté le 14 nov. 2013

Super Dissertation, je la trouvent vraiment bien construite ...

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