Fiche de lecture l'oeil et l'esprit de Maurice Merleau-Ponty 13.00 / 20

Biographie de l'auteur


Né à Rochefort en 1908 et mort à Paris en 1961, Maurice Merleau-Ponty est un grand philosophe français. Agrégé de philosophie, il enseigne quelques années cette matière. En 1945, il a déjà publié deux ouvrages fondamentaux : La structure du comportement, et La phénoménologie de la perception. Il devient titulaire de la chaire de psychologie de Lyon, puis enseigne jusqu'à sa mort au Collège de France. Refusant le clivage entre corps et esprit, lecteur attentif d’Edmund Husserl, il renouvelle les approches de la perception en intégrant la dimension corporelle comme ouverture au monde vécu. Sa grande question est celle de l'intersubjectivité (comment l'individu s'incarne dans le monde avec ses semblables) et de l'expressivité, notamment dans le domaine des arts plastiques.


Il a influencé de nombreux philosophes, ainsi que des historiens (comme Ricœur) et sociologues (comme Bourdieu). La problématique abordée dans L'œil et l'esprit publié en 1960 est approfondie dans deux autres ouvrages : Le visible et l'invisible (1964) et La prose du monde (1969).

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I. Résumé


Le livre, qui analyse la perception créative du peintre, comprend quatre sections. La première expose la science et sa manière de percevoir : "La science manipule les choses et renonce à les habiter". C'est une pensée opératoire qui "capte" la matière dans un milieu fermé (celui du laboratoire). Il faudrait, dit le philosophe, qu'elle se replace dans le "il y a " préalable, "sur le site du monde sensible et du monde ouvré". Pour Merleau-Ponty, la science ne se situe pas dans l'historicité du monde. Elle n'aborde par la corporéité du monde mais elle reconstruit les choses à partir de données abstraites. Ce qui lui manque, c'est le travail de l'intersubjectivité. L'auteur aborde alors la question d'une autre science, une "science secrète" que détiendrait l'artiste.


Dans la seconde partie, le philosophe développe une théorie originale de la peinture, en fonction de deux aspects : d'une part, comme dit Valéry, "le peintre apporte son corps", d'autre part, le peintre est un médium. Les deux aspects engagent un processus important, celui de l'"entrelacs", ou encore, de la "transsubstantiation" : "en prêtant son corps au monde, le peintre change le monde en peinture". Le corps, à la fois voyant et visible, s'oriente selon un projet qui lui donne une forme de "clairvoyance". Totalement immergé dans le monde par l'entremise de son corps, le peintre ne s'approprie pas ce qu'il voit, il devient action, un élément interactif "touchant/touché". Tous les corps ensemble forment "l'étoffe du monde" dans laquelle le peintre devient un prête-regard : le monde regarde à travers lui, et dans l'intériorité du peintre le monde est recueilli. La peinture ne peut être comprise que dans cet "étrange système d'échanges". Du coup, en regardant le tableau le spectateur ne regarde pas quelque chose qui est sur un mur, mais il voit selon l'orientation que la peinture a suivie dans le monde, et il entre dans une nouvelle dimension. La grande question de la peinture devient alors : comment le peintre entre-t-il en possession de sa vision ? C'est dans un double mouvement de possession que Merleau-Ponty conçoit la peinture : les aspects de l'Etre, pour se rendre visibles, prennent possession du peintre, corps et esprit ; dans le même temps, le regard du peintre prend possession du réel "à distance". Ainsi, le peintre comme le poète, sont des instruments métaphysiques de l'Etre qui "désire" être transformé en ouvrage par l'entremise de l'art.


Merleau-Ponty développe dans la troisième partie l'idée de cette réalité «spectrale » qui est révélée par le regard du peintre : tout ce qui hante le regard et n'existe pas encore, qui vient se projeter sur la toile. Il y a dans cette approche un aspect presque mystique, mais avec une dimension charnelle : la chair du monde demande à s'incarner par le geste du peintre. Ainsi, au contraire de ce qu'il lit dans la Dioptrique de Descartes, Merleau-Ponty veut rétablir à leur statut de pleine existence, tout ce qui est d'ordinaire conçu comme illusion ou perception sans objet. Pas besoin de "corriger la vision" : le peintre a droit à toutes les formations et perspectives. La projection du monde sur la toile du peintre n'a rien de géométrique (un "rapport réglé", dit Merleau-Ponty). Ce qui est peint est plutôt une icône qu'une représentation d'objet ou de l'étendue cartésienne. Ce qui est peint prend sa dimension onirique essentielle. Voilà pourquoi le regard du peintre n'est pas assujetti à l'empirique, voilà pourquoi le peintre dépasse les approches "métriques" d'un espace à trois dimensions. Le peintre restitue au monde sa "latence" dont il fait œuvre et révélation. Certes, il n'y a "pas de vision sans pensée", mais cette pensée nait "à l'occasion de ce qui arrive dans le corps". La discussion avec Descartes se prolonge vers une forme d'hommage à ce philosophe, qui a fait un "détour par la métaphysique", pour s'ouvrir à l'idée d'un "mystère" de la vision, alors que la science, dans sa "désinvolture" reste au niveau des "choses construites", hostile à l'idée de réciprocité et de "contact".


Dans la dernière partie, Merleau-Ponty aborde la dimension historique des œuvres d'art. Non pas une dimension évolutive, mais plutôt la façon dont des problématiques essentielles sont renouvelées, comme par exemple l'énigme de la "profondeur", qui de la Renaissance à Robert Delaunay est passée par des phases très différentes, mais "la profondeur est toujours neuve", dit le philosophe, c'est l'extériorité des choses "dans leur enveloppement et leur dépendance mutuelle dans leur autonomie". De même que la couleur, la profondeur emporte le peintre et le spectateur "au cœur des choses". Ainsi, pour l'auteur, couleur et profondeur émanent d'un "fond primordial", une forme de "préexistence" qui dépasse toute dimension historique. La création de nouveaux matériaux se fait aussi bien par "réexamen et réinvestissement de ceux qui existaient autrefois". Tous les peintres travaillent sur ce "rendre visible" qui est contact avec l'Etre et qui demande comme le fait Paul Klee, que l'on puisse "laisser rêver une ligne".


II. Analyse


Merleau-Ponty cherche à développer les éléments de cette "science secrète" qui serait celle de l'artiste, en prenant pour exemple la peinture. Il approche ce lieu "sans rupture" où se nouent ensemble la nature et l'expressivité humaine, pour illustrer la thèse qu'il a déjà développée dans son travail sur la structure du comportement, celle de l'incarnation de l'individu dans le monde. Pour le cas du peintre, tout ce qui fait l'objet de son élaboration (couleur, mouvement, profondeur) est issu de ce geste créatif qui prolonge l'incarnation. Le geste créatif donne à voir quelque chose qui émane depuis la matrice qu'il nomme l'Etre. Cet Etre prend parfois dans le texte des dimensions mystiques, car tout se passe comme si la nature attendait d'être révélée par l'homme : elle désire "devenir visible". L'imaginaire est fortement accepté par Merleau-Ponty comme ce qui permet le renouveau des formes et des problématiques. Mais pour lui la vision ordinaire demeure également une énigme, rien de mécanique, elle est une façon d'habiter le monde. C'est pourquoi le peintre ouvre vers la dimension invisible qui se tient "occultement" comme dit Paul Klee, dans le cœur des choses.

III. Biographie de l'auteur


Né à Rochefort en 1908 et mort à Paris en 1961, Maurice Merleau-Ponty est un grand philosophe français. Agrégé de philosophie, il enseigne quelques années cette matière. En 1945, il a déjà publié deux ouvrages fondamentaux : La structure du comportement, et La phénoménologie de la perception. Il devient titulaire de la chaire de psychologie de Lyon, puis enseigne jusqu'à sa mort au Collège de France. Refusant le clivage entre corps et esprit, lecteur attentif d’Edmund Husserl, il renouvelle les approches de la perception en intégrant la dimension corporelle comme ouverture au monde vécu. Sa grande question est celle de l'intersubjectivité (comment l'individu s'incarne dans le monde avec ses semblables) et de l'expressivité, notamment dans le domaine des arts plastiques. Il a influencé de nombreux philosophes, ainsi que des historiens (comme Ricœur) et sociologues (comme Bourdieu). La problématique abordée dans L'œil et l'esprit publié en 1960 est approfondie dans deux autres ouvrages : Le visible et l'invisible (1964) et La prose du monde (1969).

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