Résumé tristes tropiques de Levi-Strauss 10.00 / 20

Claude Lévi-Strauss, anthropologue français, est né le 28 novembre 1908 à Bruxelles et décédé le 30 octobre 2009 à Paris. Agrégé de philosophie en 1931, il enseigne quelques années cette discipline en lycée, puis se tourne vers l'ethnologie sous l'influence de sa première épouse, Dina Dreyfus, elle aussi ethnologue. Devenu membre d'une mission universitaire au Brésil, il enseigne la sociologie à l'Université de Sao Paulo de 1935 à 1938. Il accomplit alors des séjours d'observation des peuples indigènes dans le Mato Grosso et en Amazonie : il rencontre les groupes Bororo, Nambikwara, Mundé et Tupi. Il analyse le matériel recueilli en adaptant les approches de la linguistique structurale, développant les éléments théoriques qui le rendront célèbre, surtout sur les "structures élémentaires de la parenté" (sa thèse, publiée en 1949). Professeur à la New School for Social Research de New-York (1941-45), il enseigne ensuite au Collège de France (1959-1982). Tristes Tropiques (1955), qui a rencontré un très grand succès, est à la fois un livre de voyages ethnographiques et une méditation philosophique.

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Résumé


Dans l'ouvrage on distingue trois parties essentielles : une série de descriptions comparatives occasionnées par divers voyages accomplis par l'ethnologue dans les Amériques et en Asie ; puis les approches ethnographiques des groupes indigènes Caduveo, Bororo, Nambikwara et Tupi résidant au Brésil ; enfin "le retour", une longue méditation philosophique sur l'évolution du monde culturel, le rapport de l'homme à la nature et le rapport des peuples entre eux.


Les premiers chapitres ouvrent sur un monde saturé : c'est la fin des voyages, de nombreuses cultures disparaissent, les indigènes autrefois heureux ont été décimés par les maladies apportées par les Blancs. Que reste-t-il à l'ethnographe, parti à la recherche d'une humanité authentique, à la recherche de la "pointe extrême de la sauvagerie" ? Les cités américaines (nord et sud) offrent le spectacle de lieux devenus quasi-décadents avant d'avoir eu le temps de se construire une histoire. Les conquérants du "nouveau monde" (chercheurs d'or, planteurs, missionnaires, aventuriers de tous poils) illustrent une invasion occidentale qui n'a que faire des peuples autochtones et de leur originalité. Les pionniers, inventeurs de villes et défricheurs de zones sauvages, forment une humanité bigarrée, intéressante, que Lévi-Strauss compare avec celle des pays orientaux qui lui semblent ne pas se départir de leur style, à l'abri de leur cinq mille ans d'histoire. Ce qui manque cependant à ces évocations est le lien véritable avec les humains en question. La vue surplombante de ces lieux laisse le lecteur frustré par les jugements à l'emporte-pièce teintés de pessimisme.


La deuxième partie de l'ouvrage répare cet oubli, car on voit l'ethnographe plonger dans l'épaisseur des lieux et liens vécus. La rencontre avec les indiens Caduveo qui vivent non loin du Rio Paraguay nous laisse entrevoir avec quelle passion le chercheur aborde l'habitat, les liens de parenté et surtout l'art typique, la peinture faciale, par lequel les Caduveo transforment les visages et les corps en mythogrammes dont ils gardent le secret. Les missionnaires ont autrefois interdit le tatouage de ces motifs complexes qui leur semblait diabolique. Pour Lévi-Strauss ils sont précieux, ce sont les "hieroglyphes décrivant un inaccessible âge d'or".


Tous ces peuples disséminés à travers les deux amériques semblent appartenir à un puzzle qu'il faudrait rassembler. De même son approche des Nambikwara, grands préparateurs de poisons et propagateurs d'un récit sur le déluge qui détruisit la première humanité, lui donne la certitude que les groupes d'indiens appartiennent à une culture formant un grand ensemble homogène il y a plusieurs siècles. Quant aux Nambikawara, dont les groupes fluides (se recomposant au gré des liens sociaux) se glissent à travers la forêt, ils séduisent l'ethnographe par leur sens de la chefferie : un chef doit être avant tout généreux, ce n'est pas lui qui cherche le pouvoir, il est plébiscité par le groupe. Les Tupi, enfin : le sous-groupe Mundé, dont les hommes s'épilent entièrement et parlent une "langue joyeuse", il est le premier à le connaître et voudrait de ce monde pénétrer "le secret de sa virginité". Cultures fascinantes et délicates, mais cultures mourantes, dont les représentants sont traqués et abîmés par le "cataclysme" que déploie progressivement, sous toutes ses formes, la culture occidentale.


Aussi, le "retour" est-il le moment de l'examen de conscience. Lévi-Strauss se pose la question de la "contradiction de l'ethnographe", pris entre une "hostilité" envers les valeurs de sa culture et le devoir de relativiser pour ne pas blanchir naïvement les sociétés indigènes. Dans cette dernière partie, qui laisse affleurer une profondeur mélancolie, la question du mal et de la destruction des sociétés est posée. Comment s'accomplissent les groupes sociaux ? La question, quand on aborde le monde occidental, vient buter sur les processus de colonisation qui produisent aliénation et effacement de la différence. Une théorie de la faute se fait jour, notre chercheur voudrait pouvoir s'affranchir de sa propre culture, il parvient alors sur le seuil d'une redéfinition de "l'anthropologie/entropologie", qui serait l'étude des processus de désintégration sociale.


II. Analyse


Le titre de l'ouvrage est parfaitement illustré par le contenu du texte. La tristesse de l'ethnographe appartient au vaste bilan qui se constitue doucement au cours de l'ouvrage pour devenir de plus en plus lourd vers sa fin. Le message est clair. Tout en voulant éviter le pathos, le chercheur éclaire la vie bariolée de ces populations qui forment la "ligne", la frontière qui progresse dans son invasion progressive du continent américain par les peuples issus d'un occident en expansion. Ils ont leurs misères et leurs joies. Mais la découverte, au creux des forêts, des peuples indiens, fragiles et disséminés, lui donne le sentiment d'un sens cruel de l'histoire : de vastes peuples autrefois soudés ont, pour une raison inconnue, dû migrer. Dans leur voyage, ils gardent comme fragments de puzzle certains éléments de la culture originelle. Le devoir incombe donc d'urgence à l'ethnographe de témoigner de ces sociétés. Malgré tout, le pessimisme donne le ton à l'ouvrage. Lévi-Strauss, pour qui la fraternité humaine et le désir de l'étude sont les valeurs premières, déchiffre un monde dont la marche est plutôt destructrice. Ainsi le début du livre, qui décrit l'espace sur-saturé et la lutte impitoyable pour les richesses matérielles, correspond-il à la fin comme une sorte de testament à l'usage des générations futures, pour les ethnographes de demain.


III. biographie de l'auteur :


Claude Lévi-Strauss, anthropologue français, est né le 28 novembre 1908 à Bruxelles et décédé le 30 octobre 2009 à Paris. Agrégé de philosophie en 1931, il enseigne quelques années cette discipline en lycée, puis se tourne vers l'ethnologie sous l'influence de sa première épouse, Dina Dreyfus, elle aussi ethnologue. Devenu membre d'une mission universitaire au Brésil, il enseigne la sociologie à l'Université de Sao Paulo de 1935 à 1938. Il accomplit alors des séjours d'observation des peuples indigènes dans le Mato Grosso et en Amazonie : il rencontre les groupes Bororo, Nambikwara, Mundé et Tupi. Il analyse le matériel recueilli en adaptant les approches de la linguistique structurale, développant les éléments théoriques qui le rendront célèbre, surtout sur les "structures élémentaires de la parenté" (sa thèse, publiée en 1949). Professeur à la New School for Social Research de New-York (1941-45), il enseigne ensuite au Collège de France (1959-1982). Tristes Tropiques (1955), qui a rencontré un très grand succès, est à la fois un livre de voyages ethnographiques et une méditation philosophique.

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