En quoi l'évocation d'un monde très éloigné du sien permet-elle de faire réfléchir le lecteur sur la réalité qui l'entoure ? 19.00 / 20

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En quoi l'évocation d'un monde très éloigné du sien permet-elle de faire réfléchir le lecteur sur la réalité qui l'entoure ?

 

Introduction

 

De nombreuses œuvres littéraires se transposent dans un ailleurs, dans des mondes qui sont radicalement inconnus du lecteur quand ils ne sont pas tout simplement imaginaires. De cette façon, cet éloignement produit par la littérature nous transporte dans une Terra incognita, vierge de nos cultures et donc support de prédilection de nos projections. L’on pourrait s’interroger ainsi : quels sont les liens qui s’établissent entre l’exposition du lecteur à ses mondes étranges et les rapports qu’il entretient avec sa propre réalité ?

 

En quoi, l’expérience littéraire de l’étranger nous conduit à nous réapproprier notre « ici et maintenant » ? Nous aborderons dans un premier temps les caractéristiques des œuvres littéraires qui exploitent ce cadre de la terra incognita. Dans un second temps nous montrerons par quels mouvements cette expérience de l’altérité nous réinscrit de façon critique dans notre propre réalité.

 

I. Les ressorts de la terra incognita en littérature

 

Depuis la Renaissance s’est ouvert avec les grandes découvertes de Colomb, Cabral, Vasco de Gama et d’autres, un champ nouveau pour l’imaginaire et la pensée. D’un monde européo centré s’est dégagée une possibilité d’exploitation, tant économique qu’artistique, de terres jusque-là encore inconnues.

 

C’est dans cette expérience de l’altérité d’un monde ancien qui se retrouve face à un nouveau monde que vont s’articuler, à partir de là, de nouveaux cadres et de nouveaux personnages en littérature. Le mythe du « bon sauvage » prend naissance dans les découvertes de ces grands navigateurs prolongées par les interprétations littéraires et philosophiques que lui donneront entre autres Montaigne, et plus tard, Diderot, Rousseau, etc. Fénélon inspiré écrit « Le fleuve Bétis coule dans un pays fertile et sous un ciel doux, qui est toujours serein » ; on y découvre une nature reflétant l’harmonie sociale : « les chemins y sont bordés de lauriers, de grenadiers, de jasmins et d'autres arbres toujours verts et toujours fleuris ».

 

Ces paradis terrestres impulsent l’imaginaire d’une société obéissant à d’autres modèles que les nôtres, une société minimaliste qui se limite l’essentiel sans se soucier du superflu : « ils ne veulent souffrir que les arts qui servent aux véritables nécessités des hommes ».

 

Cette littérature est dotée d’une conséquente force de séduction elle-même liée au voyage, qu’elle incite et qu’elle réalise partiellement dans l’expérience du lecteur. C’est qu’à partir de la Renaissance, la terre étrangère, tout comme l’étranger lui-même deviennent de véritables modèles pédagogiques dont se saisissent les écrivains. Montesquieu, dans ses Lettres persanes continue : « ils chantaient les injustices des premiers Troglodytes et leurs malheurs, la vertu renaissante avec un nouveau peuple, et sa félicité ». En réalité, ces mondes imaginaires réalisent une finalité didactique pour leurs auteurs, celle de donner à voir la vision harmonieuse de sociétés capables de concilier abondance et sagesse. Des sociétés qui sont finalement bien moins esclaves que les nôtres.

 

Mais l’Étranger désigne tout autant le pays qui n’est pas le nôtre que le membre de notre propre société qui y évolue. Ainsi, la littérature exploitant l’image de ces mondes éloignés en vient presque toujours à mettre en avant la figure du personnage étranger lui-même : le découvreur, le voyageur, l’initié. C’est celui qui interroge, qui se surprend dans cette rencontre avec l’altérité et auquel s’identifie le lecteur : « Vous devez avoir, dit Candide au Turc, une vaste et magnifique terre ? ».

 

C’est donc à partir du tableau de sensations et d’émotions que condense ce personnage que le lecteur accède aux tableaux qui composent le monde présenté ou imaginé par l’auteur. Adoam illustre cette idée quand il s’étonne que la société Bétique ne fasse pas usage de la monnaie. La médiation de ces personnages est constitutive du genre, elle accompagne le lecteur vers ces altérités, elle produit l’effet recherché par l’auteur dans cette découverte.

 

Pourtant ces sociétés, sous bien des aspects, relèvent de l’utopie. Elles sont pour l’ensemble bouleversantes d’équilibre et de mesure, de beauté et de bonté, la nature s’y réalise autant qu’une sorte de vocation humaine à la bonté et à la justice. À l’inverse, la littérature a su produire également le renversement de ces modèles, toujours pour accompagner le lecteur à jeter un regard renouvelé sur son monde. En 1933, Huxley présente, derrière le titre empreint d’ironie Le meilleur des mondes, une société contre utopique où les hommes sont déterminés dès leur naissance, dans une vision somme toute très mécaniciste de l’activité humaine. Ces genres littéraires qui exploitent l’ailleurs, l’utopie comme la contre utopie, sont toujours porteurs, même en germe, d’une critique du progrès tel qu’il est conçu dans nos contrées.

 

II. L’expérience de l’altérité comme critique du même

 

Pour plusieurs raisons, cette forme littéraire constitue un détour qui finit toujours par nous ramener à notre propre société. C’est paradoxalement dans la découverte d’un ailleurs, de « l’autre », que l’on peut produire un sens nouveau au « même » : à ces congénères qui nous ressemblent et à nos sociétés. Les extraits du sujet en témoignent dans le discours a contrario qui y est sous-entendu. « Ce superflu amollit, enivre, tourmente ceux qui le possèdent : il tente ceux qui en sont privés de vouloir l'acquérir par l'injustice et par la violence ».

 

N’est-ce pas là un message à nos propres sociétés ? Ne sont-elles pas faites de superflus ? L’homme s’est employé à démultiplier les besoins extravagants peut-être autant pour y conquérir un confort nouveau que pour y marquer des distinctions entre les individus qui la composent. Est-ce là un bien : « Peut-on nommer bien un superflu qui ne sert qu'à rendre les hommes mauvais ? » Peut-on effet voir comme une bonne chose ces évolutions qui ont fait de nous des « esclaves de tant de fausses nécessités dont ils font dépendre tout leur bonheur » ? La littérature ici nous élève au questionnement.

 

Il faut ainsi comprendre les œuvres exploitant l’image de la Terra incognita comme l’expression d’une littérature qui nous ramène sans cesse à des considérations philosophiques. Ces œuvres portent sur l’Anthropos, littéralement l’homme, autant dans « ce qu’il est » que dans « ce qu’il doit être ». Elles questionnent ce qui allait de soi dans notre réalité et qui n’était plus perceptible, de telle façon que la littérature devient une modalité valide pour impulser une critique de notre propre monde, pour nous ressaisir de l’essence des problèmes qui le traversent.

 

Établir un idéal, c’est toujours exprimer une négation de la réalité ; aussi, les auteurs, dans les tableaux de ces sociétés idéalisées expriment toujours une critique du réel : « pays heureux, la cupidité était étrangère ». Affirmer a ici force de négation, on infirme une société particulière en décrivant un monde inconnu.

 

Dans ces mondes, par un jeu de miroir, nous découvrons tous les travers de notre société. L’on interroge indirectement le système politique qui la régit : que répond le Turc à Voltaire : « je présume qu'en général ceux qui se mêlent des affaires publiques périssent quelquefois misérablement, et qu'ils le méritent ». Des sociétés, qui contrairement aux nôtres, réussissent à atteindre une plénitude avec très peu : « Je n'ai que vingt arpents, répondit le Turc ; je les cultive avec mes enfants ; le travail éloigne de nous trois grands maux : l'ennui, le vice, et le besoin ».

 

Le monde inconnu est bien plus que le cadre exotique d’aventures surprenantes, c’est un témoignage, même imaginaire, qu’une autre réalité est possible. La littérature se constitue alors comme un ébranlement des possibles, dans une forme qui se rattache souvent à la littérature d’éducation ou d’initiation, réalisant une aspiration au changement, tant interne qu’externe. Dans Vendredi ou les limbes du pacifique, l’île réalise dans un monde miniature peut-être tout autant une critique de la domination et du matérialisme de nos sociétés qu’un itinéraire initiatique de l’homme confronté à la nature et à la vie sauvage.

 

C’est encore ici une remise en question des croyances et des certitudes qui nous habitent. Ainsi, l’expérience de l’altérité en littérature est toujours le cadre d’une lecture méditative qui nous conduit, au terme de l’œuvre, à jeter un nouveau regard sur notre propre existence, sur notre propre monde. C’est, pour l’ensemble, des lectures de rupture avec le monde occidental.

 

Conclusion

 

Nous aurons compris que cette transposition dans un ailleurs que l’on retrouve dans de nombreuses œuvres obéit à diverses considérations : esthétique, par une exploitation du voyage et de l’exotisme ; philosophique, sur le sens qui sied à la société ; anthropologique, par l’idéal de l’homme réalisé qui y est sous-entendu. À partir de ces différents aspects que la lecture donne, le lecteur en vient toujours à repenser sa propre réalité. Le modèle et l’exemple sont des modalités connues qui permettent d’aller vers un ailleurs ou vers une transformation de l’ici.

 

Et la force de la littérature est de fournir ce dernier dans une démarche qui est celle d’une œuvre - une méditation poétique, une médiation littéraire - qui attise les émotions et les sensations qui peuvent peut-être refonder notre monde.
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6 commentaires


Anonyme
Anonyme
Posté le 14 mars 2016

j'aime

Anonyme
Anonyme
Posté le 14 févr. 2016

bonne conclusion

Anonyme
Anonyme
Posté le 28 juin 2015

merci 

 

Anonyme
Anonyme
Posté le 14 mars 2015

c'est agréable merci 

Anonyme
Anonyme
Posté le 11 mars 2015

Un très bon document.

Anonyme
Anonyme
Posté le 14 nov. 2013

Je suis tombé plusieurs fois sur la réalité comme sujet donc cela fera un très bon entraînement !

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