Monsieur Bovary - Antoine Billot 20.00 / 20

Antoine Billot est un universitaire et écrivain français auteur de plusieurs romans dont « Monsieur Charles Bovary » publié en 2006. Ce roman dont le titre fait référence à l’œuvre Flaubertienne constitue pour l’auteur une tentative de réhabilitation de Charles Bovary, personnage mal aimé et soumis aux évènements de « Madame Bovary ».
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Introduction

 

Le passage que nous allons étudier constitue une réécriture de l’un des passages clé du roman de Flaubert et met en scène le jeune Charles Bovary au collège, adolescent calme et observateur qui se détache des autres élèves chahuteurs.

 

Nous étudierons dans un premier temps l’expression de la solitude de ce personnage en marge du reste du groupe pour aborder dans une seconde partie l’étrange jeu de miroir qui s’établit entre l’œuvre de Flaubert et celle de Billot qui donne une épaisseur nouvelle au personnage.

 

I) Charles, un personnage à part

 

L’ensemble du passage souligne la solitude de Charles Bovary, adolescent en marge du reste de la classe qui ne peut s’empêcher de souffrir au constat de son unicité.

 

a) Un spectateur passif

 

Tandis que les élèves de la classe se distinguent par leur indiscipline et leur chahut, Charles Bovary semble en marge de l’action. En effet, tandis que ses camarades « vont lancer leurs casquettes en l’air tandis qu’ils pénétreront dans la classe puis les rattraper dans un grand tumulte de cris et de rires avant de les jeter par terre afin qu’un nuage de poussière se diffuse autour d’eux. » Charles se contente d’être un spectateur passif. Les actions du personnage ne sont pas physiques mais relèvent du domaine de la sensation, du jugement ou encore de l’observation comme en témoignent l’emploi des verbes : « Il pressent », « il observe », « il découvre ».

 

L’adolescent se distingue du groupe par sa volonté farouche d’être à part et témoigne une certaine forme de mépris à l’égard de ses camarades agités : « Il les regarde sans participer le moins du monde à leur chahut. ».

 

b) Une différence sociale

 

La mise à l’écart de Charles s’explique par la différence de classe sociale existant entre lui et les autres élèves de la classe. En effet, Charles se sent étranger au mode de fonctionnement de « ces fils de bonne famille » qui se fichent « que l’on fripe le tissu des vareuses, que l’on brise les visières des casquettes puisqu’ils peuvent aussitôt les remplacer ! ».

 

Pour le personnage il est impossible de s’intégrer au groupe car il n’appartient pas au même monde. Il considère le chahut des élèves comme la manifestation d’un lien basé sur l’appartenance à une classe bourgeoise dont il est exclu : « il veut plutôt lire dans ce tapage la grammaire balbutiante du mépris : celui profond et insolent d’une certaine jeunesse, citadine et rentière, étrangère en somme, pour qui l’éducation, l’ordre et le savoir trouvent leur emblème naturel dans l’uniforme qui les étouffe et les lie les uns aux autres aussi sûrement que la lanière d’une camisole entrave les bras du possédé dans son dos. ». Gêné par son ascendance paysanne, l’adolescent ne se sent pas à sa place et vit sa différence comme une humiliation insupportable : « Et pour la seconde fois de la journée Charles est humilié. Il a honte de son habit ; honte des efforts de sa mère pour le vêtir de belle façon. »

 

II) Une réécriture de Madame Bovary

 

Personnage imbécile et lourdaud dans l’œuvre de Flaubert, Charles Bovary prend sous la plume de Billot une consistance nouvelle.

 

a) La reprise d’un passage clé du roman de Flaubert

 

Billot reprend dans cet extrait l’un des passages les plus célèbres de « Madame Bovary ». Situé au début du roman, la description du jeune Charles confronté aux moqueries des autres élèves de sa classe brossait en quelques lignes le tempérament d’un homme faible et simple d’esprit promis à une destinée médiocre. Dans le roman de Flaubert, le jeune Charles semble pantois devant l’agitation de ses camarades. Immobile et timide, il les regarde chahuter sans vraiment comprendre ce qu’il se passe devant ses yeux :

 

« Nous avions l’habitude, en entrant en classe, de jeter nos casquettes par terre, afin d’avoir ensuite nos mains plus libres ; il fallait, dès le seuil de la porte, les lancer sous le banc, de façon à frapper contre la muraille en faisant beaucoup de poussière ; c’était là le genre. »

 

On constate ici la différence avec le personnage de Billot qui, loin de faire preuve de sottise « pressent » le rituel auquel ses camarades vont s’adonner et reste en retrait avec une certaine dignité méprisante : « Il les regarde s’agiter sans participer le moins du monde à leur chahut. ». Mais encore, Billot apporte une modification importante concernant l’origine de l’humiliant surnom « Charbovari ». On se souvient dans l’ouvrage de Flaubert de la gaucherie du jeune Charles qui, incapable de prononcer son nom correctement articule un « Charbovari qui suscite l’hilarité générale »

 

« Le nouveau, prenant alors une résolution extrême, ouvrit une bouche démesurée et lança à pleins poumons, comme pour appeler quelqu’un, ce mot : Charbovari. Ce fut un vacarme qui s’élança d’un bond, monta en crescendo, avec des éclats de voix aigus (on hurlait, on aboyait, on trépignait, on répétait : Charbovari ! Charbovari !), puis qui roula en notes isolées, se calmant à grand-peine, et parfois qui reprenait tout à coup sur la ligne d’un banc où saillissait encore çà et là, comme un pétard mal éteint, quelque rire étouffé. »

 

Dans « Monsieur Charles Bovary » Charles reste silencieux et ne fait que relever la ressemblance de l’expression « beau charivari » avec celle de son nom écorché : « Ils proclament à plusieurs reprises qu’ils vont faire un « beau Charivari » et il découvre alors que cette expression pour eux rituelle est comme l’écho désordonné de son propre nom « Charl-le-beau-vari ».

 

On constate dans la découpe du nom du personnage une autre lecture possible : « Charles le beau varie ». Il s’agit ainsi d’un clin d’œil de Billot qui annonce à travers ce surnom, véritable symbole d’humiliation et de bêtise dans l’œuvre de Flaubert, la réhabilitation d’un « beau » personnage promis au changement.

 

b) Une identité complexe

 

En orientant le récit du point de vue de Charles Bovary, Antoine Billot donne à voir une personnalité complexe, tiraillée entre honte et dignité. Le nom du personnage, symbole de son identité est « broyé sous les mâchoires des vingt adolescents ». Pourtant Charles imagine cette humiliation bien plus qu’il ne la vit. En effet, le narrateur évoque la méprise de l’adolescent qui interprète l’enthousiasme de ses camarades comme une forme de moquerie : « Il observe attentivement ce qui, pour tout autre que lui ne serait qu’une tradition de potaches ; il n’en saisit pas le dessein et se méprend donc ». L’attitude de Charles relève d’un mécanisme de défense.

 

Honteux de ses origines, il fait preuve d’une susceptibilité exacerbée et enclenche un mécanisme de défense consistant à répondre à cette méchanceté imaginaire par un mépris encore plus fort.

 

Pourtant, malgré le dédain dont il fait preuve, l’adolescent ne peut étouffer sa honte : « Il se sent tel un paysan endimanché dont les souliers crottés trahissent l’origine malgré la soie brillante et le velours des parements de sa veste. ». Motivé par un complexe dévorant, Charles est le seul acteur de son exclusion. Néanmoins, il fait preuve d’une grande lucidité quant au travers de ces fils de bourgeois qui ne semblent avoir aucun respect pour l’ordre et la dignité. Cette attitude ambivalente témoigne de la profondeur psychologique de ce personnage en souffrance, tiraillé entre son mépris de la bourgeoisie et son envie secrète d’y appartenir.

 

Conclusion

 

Avec « Monsieur Charles Bovary » Antoine Billot signe un roman miroir qui propose un reflet inédit de l’œuvre Flaubertienne en redonnant une place de choix à un des personnages les plus touchants et méprisé de la littérature française. A cheval entre réécriture et invention, la justesse et la sensibilité de l’approche d’Antoine Billot apportent une profondeur si crédible à Charles Bovary que le lecteur en vient à se demander si Flaubert lui-même n’avait pas volontairement survolé de sa plume la complexité de son personnage.
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3 commentaires


Anonyme
Anonyme
Posté le 6 mars 2015

merci pour cet excellent document

Anonyme
Anonyme
Posté le 6 mars 2015

EXCELLENT ;;;;;

Donne envie de lire et d'approfondir ses connaissances

Anonyme
Anonyme
Posté le 9 janv. 2014

Top Doc on en apprends beaucoup ! Je savais pas qu'il y avait un Monsieur Bovary. Merci à vous pour la diffusion

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