Les normes de développement local : 1.00 / 20

Introduction : Le développement durable et la gestion rationnelle des ressources naturelles sont au cœur de la politique socio-économique marocaine contemporaine. La persistance du processus de dégradation des ressources naturelles, dans un monde rural caractérisé par une situation de pauvreté, et la remise en question des politiques interventionnistes menées depuis l’indépendance du pays, ont amené les pouvoirs publics au Maroc à repenser peu à peu leur stratégie de développement rural, en particulier dans les zones les plus marginalisées. Bâtie autour de la conception selon laquelle l’Etat est le centre de décision qui doit définir des orientations et décider des actions, l’ancienne logique d’intervention centralisatrice et verticale a peu à peu fait place à une prise en compte du rôle des populations dans la formulation et l'application des politiques. Telles sont des exemples d’acquis et perceptions générées par la politique de l’Etat en matière de décentralisation, de déconcentration et de régionalisation. La décentralisation est perçue comme étant la reconnaissance de l’existence juridique de collectivités secondaires qui, dotées de la personnalité juridique, ont vocation de gérer leur propre intérêts par l’intermédiaire d’organes issues d’elles même. La déconcentration est définie comme étant la politique de rationnaliser l’exercice des compétences de l’Etat en aménageant les rapports entre l’administration centrale et les échelons territoriaux dans le sens d’une plus grande délégation de responsabilité à ces dernières. La régionalisation est l’étape d’approfondissement de la démocratie locale, mise au service d’un mieux-être économique et social. En effet, après avoir engrangé les fruits de la décentralisation et de la déconcentration, le Maroc a opté pour la région comme cadre approprié à même de parfaire l’édifice institutionnel du Royaume. La région fournit également une instance nouvelle où les représentants de la population débattent démocratiquement, à travers leurs élus, au sein des collectivités locales et des organisations socioprofessionnelles, des aspirations et des projets de leur région et enclenchent une dynamique spécifique d’émulation et de développement régional intégré. Ce nouvel espace de débat, de concertation et de formation à la chose publique permet davantage l’ancrage de la démocratie locale grâce à une plus large prise en charge par les citoyens eux-mêmes de leurs affaires. Cet acquis démocratique au niveau régional se répercute positivement sur plan national, dans la mesure où, désormais, le cadre régional constitue une base de représentation nationale à la chambre des conseillers. En outre, La création de la région conforte la décentralisation non seulement en instituant une nouvelle collectivité locale, mais aussi en mettant au service de la régionalisation toutes les potentialités que recèle la déconcentration. L’approche participative institutionnalisée depuis une décennie, part du postulat que l’implication des populations, en particulier les plus défavorisées, dans l’identification de leurs problèmes et des solutions à mettre en œuvre pour y remédier, ainsi que dans la mise en œuvre et le suivi et l’évaluation des actions, assurent l’appropriation de ces réalisations par les populations bénéficiaires et donnent ainsi plus d’efficacité et de durabilité aux programmes qui en résultent. La société civile et les médias assument par ailleurs un rôle important depuis une dizaine d’années dans les domaines du développement local en général. Leurs initiatives menées à une échelle de proximité auprès des populations, notamment celles des zones rurales marginalisées, ont un important impact en termes de plaidoyer et de sensibilisation des décideurs et des populations pour une gestion plus rationnelle des ressources naturelles. I. Développement local : de quoi parlons-nous ? 1. Quelle définition ? La nature même du développement local, qui se situe souvent en réaction à une vision mondiale (mondialiste) du développement rend difficile une définition précise et une modélisation. Il est cependant nécessaire de tenter de définir ce concept, ses composantes et ses articulations. La DATAR donne la définition suivante : « Le développement local est la mise en œuvre, le plus souvent dans le cadre de la coopération intercommunale, d’un projet global associant les aspects économiques, sociaux et culturels du développement. Généralement, une opération de développement local, s’élabore à partir d’une concertation locale de l’ensemble des citoyens et des partenaires concernés et trouve sa traduction dans une maîtrise d’ouvrage commun. » Paul Houée, lui préfère une définition plus large : « le développement local est une démarche globale de mise en mouvement et en synergie des acteurs locaux pour la mise en valeur des ressources humaines et matérielles d’un territoire donné, en relation négociée avec les centres de décision des ensembles économiques, sociaux, culturels et politiques dans lesquels ils s’inscrivent. » Nous verrons ci-après que cette définition de la DATAR était novatrice en son temps mais elle privilégie une vision « institutionnelle » Aujourd’hui, il lui est généralement préféré une approche plus globale et partenariale que recouvre la définition de Paul Houée. 2. Les piliers du développement local : Le développement local repose sur quatre « piliers » :  un territoire de proximité identifié comme lieu de cohérence, de solidarités sur lequel vont pouvoir se développer des actions spécifiques,  une approche globale des problématiques, incluant les préoccupations du développement économique, mais également de la solidarité, de la lutte contre l’exclusion, de la culture, de la préservation de l’environnement,  la mobilisation importance de tous les acteurs, de toutes natures économiques, mais aussi sociaux, culturels, associatifs, ...  une capacité réelle d’action (juridique, humaine, financière) à l’échelle du territoire concerné et la cohérence avec des politiques nationales.  un territoire : Le développement local repose d’abord sur une notion de « territoire ». De sa définition pertinente pourra naître ou non un projet de développement local. Ce territoire doit être : - suffisamment large pour que le projet de développement local atteigne une efficacité minimale, - mais pas trop vaste pour permettre une forte implication des acteurs dans une démarche qui s’appuie fortement sur la proximité, - pertinent : le territoire doit permettre de dégager des solidarités, des synergies fortes entre les acteurs, s’appuyer sur le vécu des habitants (sentiment d’appartenance, solidarités existantes, ancrages locaux forts, ...)  une approche globale et transversale : La démarche de développement local nécessite sur une approche globale et transversale des problématiques, prenant en compte leurs interactions dans la vie collective, à coté des approches sectorielles ou thématiques habituelles, La démarche de développement local doit être une démarche prospective avant toute chose, capable de hiérarchiser les priorités.  un partenariat fort : Elle s’appuie aussi sur une notion forte de partenariat : l’ensemble des acteurs, des réseaux sont invités à mettre en évidence leurs complémentarités pour conduire le processus, du diagnostic au déroulement et à l’évaluation, en conjuguant les orientations définies par les instances supérieures avec les aspirations des groupes locaux.  des outils adaptés Enfin, le développement local, tel que défini, ne peut exister sans que les outils juridiques et/ou administratifs ne soient à la disposition des acteurs et des collectivités locales (représentantes des citoyens) pour conduire les actions à leur terme. 3. Les logiques du développement local : Le développement local répond à une double logique : D’une part, une logique ascendante, dynamique, faite de l’expression des besoins, des demandes, des initiatives des groupes locaux, enracinée dans un territoire, une histoire, des valeurs partagées. Les actions privilégiées sont plutôt globales et transversales, dans une stratégie de mobilisation des acteurs et de leurs potentialités autour d’un projet, avec la mise en place de rapports négociés avec l’ensemble des partenaires ; D’autre part une démarche descendante, émanant de l’Etat et des pouvoirs institués, faite d’orientations, de procédures, d’incitations administratives et financières, de transferts de savoir-faire et de moyens. Elle privilégie les opérations sectorielles ou thématiques, les équipements ou les programmes structurants, la relation entre les relais administratifs et les représentants reconnus de la population. Ces deux logiques, ascendantes et descendantes doivent sans cesse se croiser, se renvoyer des informations, dialoguer : Les acteurs locaux doivent connaître les dispositifs administratifs et financiers pour se les approprier, s’appuyer sur eux, s’y adapter. Cela nécessite qu’ils se fassent reconnaître, démontrent leur efficacité, leur capacité à agir et qu’ils sachent traduire leurs projets en programmes pouvant être soutenus et financés. Les pouvoirs publics institués doivent prendre conscience qu’ils ont besoin de ces initiatives locales « ascendantes », des acteurs locaux sans lesquels ils ne pourraient atteindre leurs objectifs ni s’adapter à la diversité des situations. Les collectivités locales tiennent dans ce dispositif une place privilégiée : elles sont à la croisée de ces deux logiques : relais institutionnels des démarches descendantes et relais de proximité de la dynamique ascendante. Elles sont les instances privilégiées où le dialogue entre ces deux logiques peut se développer. II. Les acteurs de développement local : 1. Développement local : quel rôle pour la collectivité locale ? Le rôle de la collectivité locale est enraciné dans l’histoire du Maroc. Avant même les invasions carthaginoises, le conseil était désigné et gérait les services des citoyens tout en assurant les besoins nécessaires en partenariat avec les communes rurales dans le cadre de la tribu. La gestion communale se caractérisait par la démocratie et la prise de décision concernant principalement les conflits entre les individus, la gestion de l’eau, de l’agriculture… Ce processus a perduré jusqu'à l’avènement de l’Islam, qui a renforcé l’indépendance de la commune en l’affectant aux institutions officielles de l’Etat. En 1912, le protectorat français a essayé de détruire les acquis historiques en visant la commune, qui était l’outil organisationnel fondamental des citoyens marocains. A l’ère de l’Indépendance, plus exactement en juin 1960, est née la charte communale, dans laquelle le rôle de l’agent d’autorité était primordial : • officier d’état civil, • officier de la police administrative, • chef d’administration locale, • chef hiérarchique des fonctionnaires communaux, • responsable de l’application des arrêtés. Le Conseil Communal n’avait alors qu’un pouvoir propositionnel très restreint. C’est avec la Charte Communale du 30 septembre 1976 qu’une reforme radicale a vu le jour, avec des attributions très élargies pour le président et son conseil, notamment en matière de gestion administrative. En 2009, la nouvelle Charte Communale élargi les attributions du conseil, comme elle a institué le principe d’unité de la ville et d’arrondissement comme nouvelle organisation administrative pour les villes qui dépassent les 750 000 habitants. C’est donc grâce au consensus politique que ce nouveau système de gestion des grandes villes a vu le jour, dont l’objectif est d’unifier les efforts pour une vision globale dans la résolution des différents problèmes que connaît la ville. Cet aperçu historique, va nous permettre de préciser le rôle actuel de la commune dans le développement local au travers des nouvelles attributions prévues par la Charte Communale. La commune est une entité territoriale qui dirige ses affaires privées avec des élus (représentants des citoyens) sous la tutelle de l’autorité centrale, ce qui lui donne une certaine autonomie dans la gestion locale des besoins qui touchent directement la vie du citoyen. L’article 100 de la constitution marocaine stipule que les collectivités locales du royaume sont : les régions, les préfectures, les provinces et les communes urbaines et rurales. D’un point de vue technique, les services locaux remplacent l’Etat dans l’exercice de certaines activités, comme ils permettent d’adapter les techniques de gestion à la nature des activités. La décentralisation représente, en plus d’un système d’organisation du travail, un système démocratique qui assure les libertés locales. Selon la loi, les collectivités sont des entités territoriales dotées de personnalité morale et d’autonomie financière, créée pour un mandat déterminé et par un conseil d’élus. Le conseil possède le pouvoir décisionnel pour ses attributions, comme il a un pouvoir propositionnel pour les attributions de l’Etat et pour toute autre personne morale de droit public. Ainsi apparaît le rôle fondamental des collectivités dans le développent local. La participation des collectivités locales dans la gestion des équipements collectifs locaux a pris une grande place, grâce au processus de décentralisation qu’a connu le Maroc. Le conseil décide des mesures à prendre pour assurer le développement quelques attributions du conseil qui permettent d’illustrer son rôle possible en matière de développement local :  Le conseil communal examine et vote le plan de développement économique et social de la commune, conformément aux orientations et aux objectifs du plan national.  Il fixe, dans la limite des moyens propres à la commune et de ceux mis à sa disposition, le programme d’équipement de la collectivité.  Il propose les actions à entreprendre en association ou en partenariat avec l’administration, les autres collectivités locales ou les organismes privés.  Il initie toute action propre à favoriser et à promouvoir le développement de l’économie locale et de l’emploi.  Il prend toutes mesures de nature à contribuer à la valorisation de son potentiel économique notamment agricole, industriel, artisanal, touristique ou de services.  Il engage les actions nécessaires à la promotion et à l’encouragement des investissements privés, notamment la réalisation des infrastructures et des équipements, l’implantation des zones d’activités économiques et l’amélioration de l’environnement de l’entreprise.  Il décide de la participation de la commune aux entreprises et sociétés d’économie mixte d’intérêt communal, international, préfectoral, provincial, ou régional.  Il décide de la conclusion de tout accord ou convention de coopération ou de partenariat propre à promouvoir le développement économique et social.  Il arrête, dans la limite des attributions qui lui sont dévolues par la loi, les conditions de conservation, d’exploitation et de mise en valeur du domaine forestier.  Il fixe, dans le cadre des lois et règlements en vigueur, les taux des taxes, les tarifs des redevances et des droits perçus au profit de la commune  Il examine et adopte les règlements communaux de construction, conformément à la législation et la réglementation en vigueur.  Il décide de la réalisation ou de la participation aux programmes de restructuration ou urbaine, de résorption de l’habitat précaire, de sauvegarde et de réhabilitation des médinas et de rénovation des tissus urbains en dégradation.  Il décide de la réalisation ou de la participation à l’exécution de programmes d’habitat.  Il encourage la création de coopérations d’habitat et d’associations de quartiers.  Le conseil communal décide de la création et de la gestion des services publics communaux, notamment dans les secteurs suivants : - distribution d’énergie électrique, - assainissement liquide, - collecte, transport, mise en décharge publique et traitement des ordures ménagères, - éclairage public, - transport public, - circulation et signalisation des voies publiques, - transport des malades et des blessés, - abattage et transport de viandes et poissons, - cimetière et services funéraires.  Il décide de la réalisation et des modes de gestion des équipements à caractère industriel et commercial, notamment les marchés de gros, les marchés communaux, les abattoirs, les halles aux grains, les halles aux poissons, les gares routières, les campings et les centres d’estivages. 2. La société civile ; Quel rôle du mouvement associatif dans le processus de développement local ? Ce rôle est aujourd’hui centré sur les actions d’information et d’encadrement, de sensibilisation, d’orientation et de mobilisation, de capitalisation, et de plaidoyer. Dans cette perspective, l’intervention des associations en faveur du développement local se fonde sur les principes suivants : • la transparence des activités, • la démocratie interne, • la participation, • l’inclusion, • la responsabilisation, • l’obligation de rendre des comptes. Elle s’articule également autour de valeurs centrales telles que : • donner une valeur a la vie humaine, • respecter la dignité de toutes les personnes, • respecter la diversité et promouvoir l’égalité entre toutes les personnes sans distinction, telles que celles liées à la race, à la couleur, au sexe, à la langue, à la religion ou aux opinions politiques, • prévenir et éliminer les souffrances humaines, • soutenir les valeurs communautaires qui encouragent le respect des autres et manifester la volonté de travailler ensemble à la recherche de solutions, dans l’esprit de compassion et de soutien mutuel, • lutter contre les inégalités sociales et économiques et promouvoir la justice sociale. 3. Les services publics décentralisés Le rôle des services extérieurs en appui à la dynamique de développement local participatif. Il est toutefois important de revenir sur l’historique du développement et ses orientations actuelles. Jusqu’à présent, le développement local se traduisait par la définition par chaque acteur d’un programme d’actions en fonction de son budget. Or, ces dernières années, la conjoncture économique internationale et locale a connu un déficit en ressources financières, d’une part, et une augmentation des besoins due à une importante croissance démographique et une urbanisation accélérée d’autre part ; cela nécessite une nouvelle approche, celle d’impliquer tous les acteurs locaux dans un processus de concertation pour la réalisation de grands projets. Le développement participatif nécessite ainsi l’implication et la coordination entre tous les acteurs. Dans cette perspective, quel est le rôle des services extérieurs ? Le développement qu’a connu le Maroc via le processus de décentralisation n’aura de fruits que s’il est accompagné d’un processus qui permet aux services extérieurs de jouer pleinement leur rôle aux côtés des autres acteurs locaux. En effet, selon la législation en vigueur4, « les Gouverneurs représentent l’Etat dans la préfecture, province et région. Ils exécutent les lois et sont responsables de l’application des décisions du gouvernement. Ils sont aussi responsables de la gestion des services locaux ». Cette nouvelle attribution donne la possibilité au Gouverneur de jouer le rôle de coordination entre les services extérieurs. La lecture des textes montre très bien que l’Etat compte beaucoup sur les services extérieurs pour soutenir le développement ; dans cette perspective, certains ministères ont délégué des attributions à leurs services locaux avec les moyens financiers correspondants. A travers le rôle de coordination des activités des services extérieurs et dans le cadre de l’appui et de l’incitation au processus de développement local, l’autorité préfectoral insiste dans toutes les rencontres avec les élus, les opérateurs économiques et la société civile, sur le fait que le développement local ne peut atteindre ses objectifs que sur la base d’une approche participative pour la programmation et la réalisation des projets. I. Les mécanismes de développement local • La participation, la concertation La participation et le partenariat font partie des approches proposées dans le cadre du développement durable. En effet l’ampleur et la complexité des enjeux impliquent de mobiliser des acteurs et non de chercher uniquement à les contraindre. Il s’agit donc de combiner des approches réglementaires, économiques et volontaires. Au niveau international l'Agenda 21, le texte programmatique de Rio en 1992, introduit la notion de « grands groupes », les organisations qui ont un rôle essentiel à jouer pour le développement durable : femmes, jeunes, populations autochtones, entreprises, agriculteurs, syndicats, ONG, scientifiques et collectivités locales. Ces acteurs, supposés représenter la société mondiale, sont conviés à participer comme observateurs aux réunions internationales. Au niveau local les collectivités sont invitées à décliner ces engagements internationaux sous forme « d’Agendas 21 locaux » véritables stratégies partagées du territoire élaborées en partenariat avec les acteurs du territoire : les représentants des milieux économiques, sociaux, culturels et associatifs. La Loi Voynet propose de réunir ces acteurs dans un « Conseil de développement » au niveau des agglomérations et des pays2. Ces conseils devraient permettre d’innover, d’informer et de mobiliser les citoyens pour des usages sobres et équitables du territoire, la maîtrise de la mobilité, un usage efficient des ressources, un développement économique responsable... Ces approches partenariales permettent de tisser les liens les plus fins de solidarité et de citoyenneté sur le territoire. Associer les acteurs de la société à la chose publique, aux décisions et à leur évaluation fait partie des mécanismes dits de « gouvernance » qui permettent d’organiser les relations avec les « parties intéressées »... Parmi les différentes définitions de la gouvernance on peut citer la plus récente, celle de l’Union Européenne qui considère que cette notion : « désigne les règles, les processus et les comportements qui influent sur l'exercice des pouvoirs au niveau européen, particulièrement du point de vue de l'ouverture, de la participation, de la responsabilité, de l'efficacité et de la cohérence. Cinq principes (qui) sont à la base d'une bonne gouvernance et des changements proposés dans le présent Livre blanc. »3 Dans le contexte du développement durable on peut considérer que la gouvernance est un processus de décision collectif n'imposant pas systématiquement une situation d'autorité. En effet dans un système complexe et incertain, pour lequel les différents enjeux sont liés, aucun des acteurs ne dispose de toute l'information et de toute l'autorité pour mener à bien une stratégie d'ensemble inscrite dans le long terme. Cette stratégie ne peut donc émerger que d'une coopération entre les institutions et les différentes parties intéressées, dans laquelle chacune exerce pleinement ses responsabilités et ses compétences. Mais il ne suffit pas de réunir l’ensemble des parties intéressées pour définir la solution la plus acceptable. Le rapport Brundtland qui défini le développement durable précise que deux concepts sont inhérents à cette notion : « le concept de "besoin", et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale imposent sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir.»4. Le problème des besoins des plus démunis est la principale base sociale du concept de développement durable. L’attention apportée aux plus faibles, principe éthique de solidarité, dépasse la seule approche de la démocratie du nombre. De même les limites de l’environnement doivent être considérées comme s’imposant aux acteurs, ce qui est rarement pris en compte par des acteurs eux-mêmes qui ignorent certains problèmes, il faut donc les informer et les sensibiliser en amont. La recherche du consensus lors d’une consultation des parties intéressées est donc nécessaire mais pas suffisante pour atteindre le développement durable car quelques clivages de fonds traversent le développement durable. Le premier clivage est temporel : comment arbitrer les intérêts entre les humains contemporains d'une part et les générations futures de l'autre ? Le deuxième est géopolitique et vise l’application d’un principe d’équité entre les pays du Nord et ceux du Sud, qui ont des responsabilités très différentes sur la dégradation de l’environnement. Le troisième clivage oppose enfin les êtres humains et les autres êtres vivants. Or les rapports de force dans la « négociation » sont inéquitables, ou même impossibles à révéler, puisque certains tiers sont absents comme les générations futures. Seuls des principes à la fois scientifiques et éthiques et des procédures adéquates peuvent compenser la « faiblesse » de certains acteurs. • La protection des écosystèmes devient un principe éthique s’appuyant aussi bien sur des principes de responsabilité que d’utilité. • La prise en compte des intérêts des plus faibles, aussi bien dans nos pays que vis à vis des pays en développement, principe de solidarité. • L’évitement des irréversibilités est un principe qui supplée au fait que les générations futures (les tiers absents) ne peuvent faire valoir leur point de vue. • La bonne gouvernance La bonne gouvernance doit pouvoir s’adapter aux différents contextes tout en les faisant évoluer, elle repose sur quelques principes qui doivent régir les relations entre les acteurs : • clarification des rôles et des responsabilités : les institutions doivent être lisibles et compréhensibles pour tous les acteurs • procédures de partage des objectifs : les objectifs et les stratégies des différents acteurs doivent être parfaitement lisibles et des procédures de dialogue doivent permettre que les objectifs partagés soient identifiés (recherche du consensus) • renforcement des capacités de chacun des acteurs : l’efficacité de l’ensemble dépend de celle des parties, chacun doit donc participer au renforcement des capacités des partenaires • transparence : le principe de l’accès à l’information et de la transparence sur les objectifs et les moyens (contrats, budgets...) est la base de la coopération et du partenariat • confiance : reposant sur la transparence, la confiance est conditionnée par la lutte contre la corruption et la prévention par la mise en place de mécanismes qui permettent de l’éviter, par exemple des approches multi-acteurs des problèmes et des décisions • évaluation : la capacité d’évaluer les résultats des politiques et des programmes doit reposer sur la construction de systèmes de mesure, de collecte d’information, et de réévaluation dans une perspective d’amélioration continue. • concertation contractualisation : l’ensemble des relations entre les acteurs dans la concertation doit pouvoir conduire à des approches contractuelles scellant la reconnaissance du rôle de chacun des acteurs. • Le partenariat Le partenariat n’est pas simplement une qualité de la démocratie, elle est constitutive de sa durée et cimente l’édification de l’initiative citoyenne. Elle s’exprime par le partenariat et la coopération sur le territoire qui représente le creuset d’intégration des politiques publiques, associant des politiques ministérielles, de la région, des provinces, des communes et inter partenariale, reliant organisations socioprofessionnelles, syndicats et secteur privé. Plusieurs programmes entrepris quelques années après l’indépendance ont pu mobiliser massivement les populations, laissant une marque profonde dans l’histoire à l’exemple de la route de l’Unité, symbole de la réunification du nord et du sud du Royaume. Mais d’autres, limités dans le temps, n’ont eu qu’un succès relatif à l’exemple de l’Opération Labour et des campagnes d’alphabétisation. D’autres encore, bien qu’ils aient nécessité une intervention lourde de la part de l’Etat, ont eu des résultats mitigés, à l’exemple du partenariat engagé corrélativement à la réalisation des aménagements hydro-agricoles. En effet, si le Maroc a atteint l’objectif du million d’hectares irrigués dès 1998, l’initiative qui porte sur une meilleure valorisation des exploitations et de la mise en valeur agricole est restée exclusive et non concertée. Faut-il rappeler le contexte qui préside à ce partenariat «encadré» qui, souffrait de l’absence d’une démarche participative, de dispositifs de dialogue, d’information et de concertation. Décidé en plein état d’exception entre l’Etat et les agriculteurs dans le but d’accélérer la mise en valeur agricole, ce type de partenariat reposait particulièrement sur des procédures et des relations « contractuelles » mais à caractère obligatoire. Malgré un climat politique empreint d’exclusive et de tension, de nouvelles formes de partenariat, appuyées sur des embryons d’une économie sociale comme les coopératives, épaulées par la mise en place en 1962 de l’ODCO (Office de Développement de la Coopération) sont lancées, à l’exemple des actions de développement rural intégré menées dans le sillage de la décentralisation et de la déconcentration. Cependant, l’impact des programmes conduits de manière volontariste par l’Etat est resté limité aux territoires ciblés, sans participation réelle des populations concernées. Car il était d’usage que seuls les techniciens des ministères concernés pouvaient identifier les projets et les actions. Une telle approche ne portait que peu d’intérêt aux espaces bours, agro-pastoraux ou sylvo-pastoraux qui connaissaient une forte pression sur les ressources naturelles et une décongestion démographique. Ces derniers n’ont été soutenus durant les années 1970 que par une douzaine de projets de développement intégrés, initiés de surcroît sur recommandation des instances internationales. Mais corrélativement à la mise en place du Programme d’Ajustement Structurel, sur instigation d’organismes financiers internationaux, l’Etat réduit drastiquement le financement des projets sociaux. Les déficits et les contre-effets qui s’ensuivent quelques années plus tard, et que rappellent les émeutes urbaines de 1984 et 1991, ont conduit indirectement à l’émergence d’un contexte favorable à l’engagement partenarial et à un tournant dans l’histoire des relations entre les pouvoirs publics et le monde associatif.
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Plan : Introduction : I. Développement local : de quoi parlons-nous ? • 1 – Quelle définition ? • 2 – Les piliers du développement local : • 3 - Les logiques du développement local : II. Les acteurs de développement local : • Les collectivités ; • La société civile ; • Les services publics décentralisés III. Les mécanismes de développement local • La participation, la concertation • La bonne gouvernance • Le partenariat
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Anonyme
Anonyme
Posté le 20 nov. 2015

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